Marc-Antoine Pelaez a fait ses premiers pas en Irak, quelques mois après être sorti du master Journalisme et médias numériques. Portrait du jeune journaliste, à son retour du Kurdistan.
Les zones industrielles d’Hagondange en Moselle l’ont vu grandir. 26 ans plus tard, tout juste titulaire du Master Journalisme et médias numériques, il s’envole pour le Kurdistan irakien pour y couvrir le référendum d’indépendance. Il vient d’y passer deux mois : de retour à Metz, il nous raconte son parcours.
Un parcours atypique
La vidéo et la photo l’intéressaient déjà plus jeune, mais ce n’est qu’après un Bac STG (Sciences et Technologies de la Gestion), une année sur les bancs de Nancy en licence de philosophie et quelques mois en école d’infirmier à Liège qu’il se tourne vers le journalisme. Trois années et une licence en information-communication dans la poche plus tard, « Marco » intègre le MJMN. Longtemps élève en « dents de scie », il affirme s’être très vite pris en main au sein du master de Metz.
Passionné par la vulgarisation scientifique, c’est à Sciences & Vie que l’étudiant s’installe pour son premier stage. Une expérience enrichissante et un travail de journaliste desk. La frustration de l’open-space arrive cependant bien vite. Après 5 ans d’études à Metz et une vie dans l’Est, Marc-Antoine s’envole pour Beyrouth au terme de sa dernière année d’études.
Chaudement accueilli par l’Orient-Le Jour, grand quotidien francophone libanais, Marco se professionnalise et prend vite des initiatives. Il développe le pôle vidéo du quotidien et se familiarise avec la région. En parallèle, il réalise seul un documentaire de 16 minutes dans l’un des douze camps palestiniens du Liban. Guidé par sa curiosité, sa passion pour la vidéo et sa rigueur journalistique, Marco tente de mieux comprendre la situation des occupants de Wavel.
WAVEL : au cœur d’un camp palestinien
« J’ai tout fait seul, c’est mon bébé. Ce reportage là, il m’a lancé.
J’étais à l’aise avec ces gars armés, on s’habitue.» – Marc-Antoine à propos de son documentaire.
« Si on m’avait dit un jour que je partirais en Irak, je n’y aurais pas cru »
«Quand on y a goûté une fois, la seule chose qui nous reste en tête est d’y retourner ». Tout s’est très vite enchaîné pour Marc-Antoine. C’est au Liban qu’il rencontra son amie Lucile Wassermann. Après avoir multiplié les reportages ensemble au Liban, ils espèrent enchaîner avec l’Irak avant d’être rattrapés par leurs obligations : «On a eu les yeux plus gros que le ventre. Je ne pouvais pas partir en Irak avec mon mémoire de recherche à finir ». Le jeune journaliste rentre donc, temporairement, en France.
Une fois de retour en Lorraine, son objectif est clair. Il sait qu’il repartira à nouveau. Après avoir soutenu son mémoire et validé son master, il s’envole donc pour le Kurdistan irakien en septembre 2017, quelques jours avant le référendum sur l’indépendance. Un timing idéal tandis que la bataille de Mossoul arrive à son terme, au même titre que le règne de Daesh. Il en est d’ailleurs le premier étonné et sait que «si on m’avait dit un jour que je partirais en Irak, je n’y aurais pas cru ».
29 octobre 2017 :
Les partisans du PDK prennent d’assaut le Parlement d’Erbil,
capitale du Kurdistan irakien. Marc-Antoine, au plus près de l’action, filme.
Les deux premiers jours ont été les plus difficiles pour s’acclimater. Totalement dépaysé, il prendra peu à peu ses marques auprès des locaux avant de réaliser ses premières piges pour Le Soir et l’AFP. Présent sur le front, Marc-Antoine se souvient du sifflement des obus. «On ne sait jamais où ils vont atterrir », explique-t-il. Des frayeurs comme celles-ci, sa mère s’en est faite plus d’une. Le jeune photographe ne compte plus le nombre de fois où il a dû la rassurer via l’application de messagerie Whatsapp.
Marc-Antoine quitte Erbil pour visiter Kirkouk.
Terrifié par les voyages en voiture particulièrement dangereux dans le pays,
le jeune journaliste documente tout de même son voyage.
Sa visite à Mossoul est un moment particulièrement chargé en émotion. Entre les décors de destruction « dignes d’un film hollywoodien » et l’odeur de la mort, il n’a pu véritablement en prendre conscience que quelques jours plus tard. « C’est con à dire mais dans ces moments-là, il faut rire, faire des blagues pour tenir. Ce n’est qu’après que tu ressens le besoin d’en parler », confie-t-il.
Ironiquement, plus que la mort et les obus, Marc-Antoine a surtout retenu la conduite locale. Il se souvient de « gens qui roulent comme des tarés là-bas »sachant qu’il n’y a aucune limitation de vitesse.
Plus qu’un bonus pour le début de sa carrière, le reporter voit surtout dans cette expérience un enrichissement personnel. Ses parents étant divorcés, il a grandi avec sa mère sans trop garder le contact avec son père. Photographe de métier, celui-ci ne l’a jamais initié à la prise de vues. Ce n’est qu’une fois au Moyen-Orient qu’il a pu sérieusement se reconnecter avec lui. Il se souvient avoir impressionné son père car « il n’a jamais osé faire ça ». Du haut de ses 25 ans, il se réjouit de pouvoir désormais parler d’adulte à adulte avec lui, d’avoir pu ressouder les liens.
Aujourd’hui, le regard de Marc-Antoine se tourne à nouveau vers l’horizon… Que cela soit du côté de l’Afrique ou du Moyen-Orient, il sait que son séjour actuel à Paris restera une étape transitoire. Une nouvelle marche à monter avant de sauter dans l’inconnu. Et « c’est bien ce qui fait la force de notre métier », conclut-il.
Retour sur Terre
Marc-Antoine a encore un peu de mal à mesurer le véritable impact de son séjour en Irak. Il note néanmoins un gain d’assurance et de maturité. En se remémorant son parcours atypique, le journaliste aime à penser que « personne n’est prédestiné ». Et garde la tête froide, ne se sentant pas beaucoup plus légitime qu’auparavant.
Lorsqu’il se compare aux autres, il se sent « encore tout petit ». Une humilité naturelle qui transparaît dans son attitude et son état d’esprit au quotidien. Si le journaliste a pu ajouter une ligne intéressante sur son CV, il ne se fait pas d’illusions : « Les portes ne me sont pas grandes ouvertes parce que j’ai fait l’Irak ». Il conseille d’ailleurs aux futurs journalistes de préparer un tel voyage et si possible, de s’y rendre avec le soutien d’un grand média. D’un naturel discret, le jeune journaliste a dû apprendre à mettre son travail en avant en Irak.
Le retour à Paris est rude, mais Marco ne se décourage pas. « Multiplier les formats » est son mot d’ordre pendant sa recherche de CDD et de piges. Celui qui ne croît pas au « facteur chance »redouble d’efforts pour se faire une place dans la capitale. Un an après ce retour, il venait témoigner à Metz, lors d’une journée de rencontre entre étudiant·e·s et diplômé·e·s, des difficultés de l’entrée dans la carrière des jeunes journalistes.
Un an après sa sortie du diplôme et son séjour en Irak, Marc-Antoine Pelaez tire un premier bilan d’une jeune carrière.
Romain Ethuin et Clément Di Roma. Vidéo par Emma Facchetti, Mélina Le Corre et Amélie Perardot