Quand il ne critique pas les journalistes qu’il estime en dehors du droit chemin sur le site Arrêt sur Images, c’est sur Twitter que Loris Guémart les interpelle. Sur son compte, il tweete en rafale et élève le débat sur l’exercice du journalisme. Dans un face à face par écrans interposés, il a fait part de son expérience et de ses conseils aux étudiants du Master Journalisme et médias numériques.
Loris Guémart a rencontré les étudiant·e·s du Master Journalisme et Médias Numériques de l’Université de Lorraine lors d’une visioconférence, mercredi 18 novembre 2020, dans le cadre de la deuxième rencontre Obsweb de cette année universitaire. L’occasion pour lui d’expliquer son travail à Arrêt sur Images, la manière dont il utilise Twitter et son parcours en presse locale.
Journaliste à Arrêt sur Images depuis deux ans, Loris Guémart a déjà publié pas moins de 143 articles, sur des sujets aussi variés que les correspondants locaux de presse (CLP), la médiatisation des médecins sur les plateaux des chaînes d’infos, ou encore la lutte contre les infox des réseaux sociaux. Europe 1, Libération, ou L’Est Républicain, personne n’y échappe. Les quatre journalistes à plein temps qui composent l’équipe du site gardent un œil sur le travail de leurs confrères et pointent du doigt uniquement « les trains qui n’arrivent pas à l’heure ».
Chaque article doit s’appuyer sur du contenu, un cas concret observé dans les médias. Pour cela, Loris Guémart ne fait pas de veille dans les médias eux-mêmes, mais uniquement sur les réseaux sociaux, directement auprès des journalistes, et en majeure partie sur son temps personnel : « Il faut suivre les bonnes personnes, avoir l’œil et toujours être à l’affût. Parfois, je vais avoir quatre idées de sujet en vingt minutes, d’autres fois je n’aurai rien après une heure. » Mais il ne faut pas perdre de vue qu’Arrêt sur Images s’adresse avant tout au grand public : « La question essentielle que je me pose quand je lis un article, c’est : en quoi le lecteur est-il lésé ? »
« J’étais dérangé par le comportement de certains journalistes »
Bien qu’il ne soit pas passé par une école de journalisme, cela n’empêche pas Loris Guémart d’avoir une certaine idée de la presse, forgée notamment à la lecture d’Acrimed et d’Arrêt sur Images : « Je n’étais pas satisfait de ce que je lisais, alors je me suis lancé dans le journalisme. Mon objectif est de faire avancer le métier dans une direction qui me convienne plus », explique-t-il.
D’ailleurs, quand ce n’est pas sur Arrêt sur Images qu’il interpelle les médias, c’est sur Twitter, où Loris Guémart se présente lui-même comme un « web-trotteur ». Il a commencé à tweeter en commentant en direct les conseils municipaux de sa commune au début des années 2010. Aujourd’hui, ses threads sur l’exercice du journalisme sont épinglés en haut de son profil. « J’étais dérangé par les comportements de certains journalistes », se souvient-il quand on lui demande la genèse de cette pratique. « À l’inverse d’Arrêt sur Images, mes threads s’adressent principalement aux journalistes. »
La transparence journalistique, les photos moches de la presse locale ou encore les kiosques numériques : ses threads couvrent de nombreux sujets. Souvent, tout part d’une réaction à un tweet avec lequel il n’est pas d’accord. « Parfois, c’est simplement la continuation de débats qui ont déjà eu lieu au sein de la rédaction. Ce sont parfois aussi des sujets qui n’ont pas leur place sur Arrêt sur Images, ou encore bien justement l’approfondissement d’articles déjà commencés. »
Un de ses threads de février 2019 revient sur le « statut scandaleux des correspondants locaux de presse créé en 1987, qui relève de l’auto-entreprenariat forcé. » Loris Guémart sait de quoi il parle, puisqu’il a lui-même occupé cette fonction en 2013 à Vernon (Eure) pour Paris-Normandie. Il dénonce notamment la manière dont ils sont traités par les rédactions : « On attend souvent du correspondant qu’il se fade 4 heures de réunion publique en soirée puis ponde un papier payé entre 10 et 20 euros. On attend aussi qu’il soit mobilisable au pied levé, et disponible les dimanches. On attend enfin qu’il sache écrire et synthétiser sans erreur. » Impossibilité d’avoir une carte de presse, revenus minables, pas de protection des sources, aucun matériel : Loris Guémart critique ce statut à travers ce thread, qu’il a d’ailleurs repris pour écrire un article pour Arrêt sur Images.
Le thread ayant rencontré le plus de succès est quant à lui consacré à une liste de conseils, destinée aux localiers afin de les aider à trouver des sujets : « J’étais surpris de voir que des journalistes de la PQR (presse quotidienne régionale) sont venus compléter ma liste. »
Le journalisme local, Loris Guémart le connaît bien. C’est par cette voie qu’il a commencé en 2011 en créant son propre blog, Vernon politique. Il a démarré en allant aux conseils municipaux, en interrogeant les élus et surtout en cherchant les problématiques qui fâchent (transport, logement, tarification d’eau) : « La plupart des informations sont disponibles en accès libre, il suffit de creuser, d’aller les chercher et ensuite de confronter les élus. »
« La presse régionale reste la meilleure expérience en début de carrière »
Après la Normandie, c’est aux Yvelines que Loris Guémart s’intéresse : il devient journaliste puis rédacteur en chef pour La Gazette en Yvelines. Aller sur le terrain, être confronté aux problèmes économiques d’une rédaction, rencontrer quotidiennement les lecteurs : pour Loris Guémart, finalement la presse régionale, quotidienne ou hebdomadaire, « est et reste la meilleure expérience qu’on peut avoir en début de carrière. »
Les erreurs qu’il met en lumière à Arrêt sur images, Loris Guémart les a lui-même faites, lorsqu’il était journaliste en PHR (presse hebdomadaire régionale) : « J’en ai fait, vous allez en faire. Je me méfie des journalistes qui n’en ont pas derrière eux. » Le journaliste a alors donné quelques conseils aux étudiants pour éviter de tomber dans les pièges du métier : faire la différence entre communication et journalisme, bien choisir ses mots, savoir accueillir les avis négatifs… La liste est longue mais elle peut être résumée en un mot : la transparence. « Les lecteurs ne sont pas stupides : une faute d’orthographe, une citation déformée, une photo pas légendée… ils voient tout. »